2007-12-01

Manuscrit de Sabin Sire

NOTES
sur les divers membres de la
famille SIRE
de St Jory près Toulouse Hte Garonne – 1863
Ces notes peuvent servir pour faire l'histoire intime de la famille
[Transcription d'un manuscrit, de la main de Sabin SIRE, appartenant à Mme Louis SIRE de Saint-Jory. Jean-Claude Sonnet. mai 1999.]
Jean-Pierre SIRE - (Père et Grand-père)

1re Partie,
Depuis sa naissance en 1790 le 24 mai
Jusqu'à l'époque de son mariage en 1813.

Parents de M. SIRE (François SIRE et Pétronille GAZAGNES)
1°) Le père de Jean-Pierre SIRE était François SIRE, négociant en détail et riche propriétaire de Castelnau d'Estrétefonds, commune considérable et limitrophe de St Jory.
2°) Il avait pour frère SIRE le cadet qui eut 8 enfants dont 2 morts en bas âge et 6 qui se sont mariés plus tard, savoir :
SIRE l'aîné, dit "Sirou", (négociant marié à Toulouse et mort)
SIRE cadet, (tonnelier à Toulouse et père de madame LAGEZE)
Martin SIRE négociant en gros à Toulouse et père de mesdames GUITARD et TASTET.
Baptiste SIRE propriétaire à Castelnau et père de deux filles mariées.
Dominique SIRE, maître d'hôtel à St Cyprien qui a eu plusieurs enfants.
Hélène SIRE dite « Sirette » mariée à Beauzele près St Jory.
3°) Il avait pour soeurs
1-madame BERTRAND mère de BERTRAND dit Babillard (le père de Claude BERTRAND et de madame LAFFON de St Sauveur qui a été mère des messieurs LAFON de Castelnau et de Dominique LAFON de St Sauveur et de mesdames QUERQUILLE de Bruguières et REYNAUD de Castelnau et de mademoiselle Antoinette BERTRAND-LAFFON qui, étant devenue religieuse dans la rue St Pantaléon à Toulouse, ne voulut jamais quitter le couvent pendant la révolution. Pour empêcher qu'on l'enlevât, elle se coucha sur le seuil de la porte d'où on ne pouvait jamais l'arracher. Quand elle eut été expulsée par force, elle alla chez sa mère où elle demeura jusqu'à sa mort sans jamais sortir.)
2-madame SANSENE, mère d'Etiennette morte à 20 ans en odeur de sainteté.
3-mademoiselle Françoise SIRE qui était toute infiniment bonne, aimée et vénérée partout.
4-Marguerite SIRE qui est morte à St Jory dans la maison de monsieur Jean-Pierre SIRE son neveu le 11 avril 1828 à l'âge de 83 ans et en odeur de sainteté. Après la mort de son frère cadet qui était frère de notre grand-père avec lequel elle vivait, elle se donna à son neveu avec tous ses biens le 21 août 1817. Elle avait alors 82 ans. En 1820, elle devint paralysée et ne put plus marcher. On la portait à l'église le dimanche où on lui administrait la Ste Eucharistie à sa place. C'était une sainte qui passait toute la journée à lire ou à prier. Elle était l'objet de la vénération de tout le monde. Monsieur LASMARTIN, curé de St Jory en 1820 ne l'appelait que « la sainte ». Monsieur SAVY, Grand-Vicaire de Toulouse et cousin germain de madame SIRE lui écrivait le 2 janvier 1826 : n'oubliez pas la bonne ancienne qui donne à tous de si bons exemples. Et monsieur Dominique MATHIEU écrivant à madame SIRE le 8 septembre 1826 : bien des compliments à la tante de ton mari, dis lui que je compte sur ta juste interprétation. Elle mourut paralysée, mais avant de mourir, elle recouvra un peu la parole pour pouvoir être administrée, puis elle ne parla plus. Aussitôt qu'elle fut morte, une odeur délicieuse se répandit dans la chambre et dans toute la maison de M. SIRE. Son visage devint beaucoup plus beau qu'il n'était avant la mort et son corps conserva la souplesse d'un corps vivant. Ce phénomène que j'ai vu moi même, j'avais alors 4 ans, frappèrent tellement qu'on crut voir placer dans la bière une vivante. Marguerite SIRE est décédée à St Jory le 11 avril 1828 à l'âge de 83 ans chez son neveu et sa nièce SIRE mariés. Elle était native de Castelnau, village situé à une heure environ de St Jory. Elle est morte en odeur de sainteté.
« Nous SIRE, votre neveu et nièce ainsi que nos enfants au nombre de 5, monsieur Barthélemy PAILHES ex-abbé notre neveu qui vous a inspiré de si bons sentiments pendant votre maladie, ainsi que mademoiselle Paulette JONQUIERES, soeur du curé actuel de cette paroisse et votre directeur de conscience, et mademoiselle HILLAIRE habitante de ce village, sommes heureux d'attester ce fait. »
Toute la famille SIRE était très honorable et très respectée à Castelnau. Toutes les familles qui en sont descendues (à Castelnau, familles BERTRAND, SIRE, RAYNAUD, SANSENE, LAFFON, REGIS, CONTRASTY ; à Bouloc, famille BERTRAND ; à Bruguières, famille QUERQUILLE ; à St Sauveur, famille LAFFON ; à Toulouse, diverses familles SIRE et BERTRAND ; et à St Jory, la famille SIRE), ont conservé, dans des positions plus ou moins fortunées, les sentiments de probité et de piété qui semblent héréditaires dans cette famille.
4°) La mère de M. Jean-Pierre SIRE était mademoiselle Pétronille GAZAGNES de Vaquiers.
Sa vie jusqu'en 1813, époque de son mariage.

5°) Son père étant mort cinq ans après son mariage, sa mère se remaria avec son cousin germain M. BERTRAND aîné dit « le Babillard » et alla habiter Vaquiers où elle continua le commerce d'épicier qu'elle faisait à CASTELNAU. Les enfants, Jean-Pierre SIRE son fils qui n'avait alors que 6 ans et Hélène SIRE sa fille qui n'en avait que 4, demeurèrent avec leur mère à Vaquiers.
6°) Jean-Pierre SIRE fut formé à la piété par sa mère dès l'âge le plus tendre. Bien jeune encore il accompagnait M. l'abbé GUYRAL, curé légitime de Vaquiers qui demeura dans sa paroisse pendant toute la révolution. Le jeune SIRE lui servait de clerc pendant la nuit quand il allait apporter les secours de la religion à un paroissien, et répondait aux prières de la messe quand ce bon prêtre la célébrait dans le château de M. VIÉ, à Montauriol, ou dans le château de M. des ESSARTS à Bonséjour. Quand les églises furent rendues au culte, en 1799, M. GUYRAL reprit publiquement ses fonctions dans la paroisse de Vaquiers et prépara immédiatement les enfants à la 1re communion. Cette cérémonie eut lieu pour la première fois d'une manière solennelle le jour de la Trinité 13 juin 1802. Jean-Pierre SIRE qui était alors âgé de 12 ans fut du nombre des élus.
7°) Après sa 1re communion Jean-Pierre fut envoyé à Castelnau chez son oncle BERTRAND qui alla y tenir une école l'année suivante 1803. Mgr PRIVAT étant allé donner la confirmation à St Jory, Jean-Pierre fut admis au nombre des confirmants ainsi que Madeleine VALADIÉ sa future épouse. Après sa 1re communion, Pierre SIRE fut appliqué aux travaux du pressoir et obligé de voyager souvent sur Toulouse pour aller y vendre son huile et acheter des graines.
8°) A l'âge de 16 ans, il revint à Vaquiers où il demeura jusqu'à l'âge de 18 ans, époque où il tira le sort. Tous les jeunes gens valides étant alors obligés de s'enrôler sous les drapeaux, ou de se donner un remplaçant, Jean-Pierre, qui était un des plus beaux jeunes gens du canton de Fronton, fut désigné pour entrer dans la Garde Impériale. Mais alarmée sur l'avenir de son fils, Mme SIRE devenue Mme BERTRAND, résolut de le retenir auprès d'elle, à quelque prix que ce fut. Elle fit donc chercher un homme qui voulut et qui put remplacer son fils, et quand elle l'eut découvert, elle ne recula pas devant ses exigences. Elle lui compta la somme de 6400 francs, somme considérable qu'il demandait, heureuse de conserver à ce prix la vertu et la vie de son fils.
9°) Tranquillisée sur ce point, elle ne songea plus qu'à lui donner une position convenable. Ce ne fut pas difficile. La rareté des jeunes gens permettait alors à toutes les mères qui avaient eu le bonheur de conserver leurs enfants de leur trouver des places lucratives. Jean-Pierre SIRE fut envoyé à Toulouse et placé immédiatement chez M. PREVOT, marchand de blé dans la rue Croix-Baragnon, vis à vis l'hôtel de Castellane, par les soins de monsieur FABRE, son cousin et son subrogé-tuteur. C'était en 1809. Là, il gagna quelqu'argent et prit un air de ville qui lui fit beaucoup de bien.
Mademoiselle VIÉ, du château de Montauriol, à qui Jean-Pierre convenait prodigieusement, aurait bien voulu l'épouser. La famille VIÉ, quoique beaucoup plus riche que la famille BERTRAND, aurait consenti volontiers à ce mariage ; M. Jean-Pierre SIRE, qui avait déjà vu plusieurs fois Mlle, ne demandait pas mieux que de s'allier à une des familles les plus honorables du pays, il était même décidé à conclure bientôt ce mariage. Mais dans l'intervalle, Mlle ayant pris chapeau, M. Jean-Pierre ne reparut plus au château et renonça d'une manière absolue à Mlle. Il croyait que le nouveau costume de sa prétendue n'étant plus en rapport avec sa fortune à lui, devait lui faire tourner les regards ailleurs. Plus tard, Mademoiselle VIÉ devenue Madame de SAINT-BLANQUAT de MARTIN, ayant rencontré M. SIRE au parloir du Petit Séminaire où ils avaient, l'un 2 enfants, M. Marcel et M. Vital, et l'autre 3 fils, MM Simon, Eugène et Henri, et lui ayant demandé le motif de son brusque départ de Montauriol, et monsieur SIRE lui en ayant donné la vraie cause, Mme de SAINT-BLANQUAT lui répondit, vous auriez dû me le dire ; j'aurais immédiatement repris mon bonnet et j'aurais pour toujours renoncé au chapeau.
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12°) La cérémonie du mariage eut lieu à St Jory le 28 décembre 1813. Ce fut M. l'abbé Dominique MATHIEU, oncle de Mlle Magdeleine VALADIÉ et actuellement curé de l'importante paroisse de St Sernin à Toulouse, qui attira sur ces jeunes époux les grâces les plus abondantes en leur donnant la bénédiction nuptiale.
Cette cérémonie fut des plus touchantes. Les époux étaient jeunes et bien préparés. Le prêtre vénérable qui les unissait était un vieillard qui portait sur son corps voûté les traces d'un long et pénible exil. Les larmes qui coulaient de ses yeux et les paroles affectueuses qui sortaient de sa bouche manifestaient à tous le vif intérêt qu'il portait aux époux.
Dieu les a bénis par la main de ce confesseur de la foi, et toute la suite de cette histoire va montrer la conduite vraiment providentielle que le Seigneur a sans cesse tenu par rapport à eux.
2e Partie.
Depuis son mariage en 1813,
Jusqu'au bail à ferme
du domaine du Maréchal GÉRARD, en 1830.

13°) Aussitôt qu'il fut installé dans sa nouvelle demeure, Jean-Pierre SIRE, habitué dès l'enfance au commerce de détail, comprit qu'il lui fallait une occupation pour conserver sa fortune et employer convenablement son temps et les qualités vraiment remarquables que le bon Dieu lui avait donné.
Ses idées le tournèrent naturellement vers le commerce. Ayant grandi pour ainsi dire dans le magasin de sa mère à Castelnau et à Vaquiers, et ayant vu de ses propres yeux les bénéfices considérables que la boutique d'un épicier pouvait donner, quand elle était habilement tenue par une personne intelligente et assidue, il conçut le projet de lever à St Jory un magasin tout à fait semblable à celui de sa mère, et d'y ajouter un pressoir pareil à celui que son père avait à Castelnau pour faire des huiles communes. Mais les fonds lui feraient malheureusement défaut.
14°) Son père ayant autrefois répondu pour l'unique frère qu'il avait, et qui se trouvait dans une position de fortune assez fâcheuse, et étant mort beaucoup trop tôt pour prévenir la catastrophe terrible qui menaçait son frère, Jean-Pierre fut obligé de se mettre au lieu et place de son père, et de payer, aussitôt qu'il fut devenu majeur, les dettes de son oncle. Ces dettes avec les intérêts qu'il a fallu payer pendant longtemps ont dépassé certainement la somme de 20000 francs.
Jean-Pierre n'avait donc pas des avances quand il leva son magasin. Sa première opération fut donc un emprunt fait à M. PUJOS, père du curé d'Ondes, résidant alors à Vaquiers. Ne voulant pas entamer ses biens fonds de Castelnau et se voyant néanmoins obligé de faire face à des charges qui allaient toujours en grandissant, il eut le malheur d'augmenter ses dettes en les multipliant : à mesure que la boutique lui fournissait des fonds pour les payer, il fallait faire de nouveaux emprunts pour payer les denrées chez les négociants de Toulouse pour remplacer les marchandises qui s'étaient écoulées. Ce système était d'autant plus déplorable que les emprunts nouveaux se faisant petit à petit étaient moins sensibles et par conséquent moins alarmants.
15°) Déjà en 1818, les dettes nouvelles s'élevaient à 12900 francs. Non content d'emprunter à divers marchands et en particulier à M. BAYSSADE, Jean-Pierre SIRE répondit pour ce dernier en 1821 pour une somme de 15000 francs. Certainement, si l'accident survenu à M. BAYSSADE n'avait pas eu lieu, cet acte, tout important qu'il était, n'aurait pas eu de suites fâcheuses. Mais M. BAYSSADE étant mort subitement et son actif étant loin d'égaler son passif, on fit payer à M. SIRE les 4/5 de la somme pour laquelle il avait répondu. Tous ses biens furent saisis, et si Mme SIRE n'avait pas répondu elle-même pour son mari, on lui aurait fait vendre ses biens à un prix très modique.
16°) La caution offerte par Mme SIRE fut cause qu'on donna du temps à son mari pour payer les créanciers à l'aide de 13000 francs qu'ils empruntèrent à la fois. C'est alors que les excellentes terres que M. SIRE possédait à Castelnau furent vendues les unes après les autres à des prix très modérés, faute d'acquéreurs, une propriété ayant à cette époque très peu de valeur.
17°) C'est au milieu de ces embarras pécuniaire (capables de faire perdre la tête à un homme même résigné) que M. SIRE voyait sa jeune famille augmenter sensiblement et les anciens disparaître.
En 1814, il mit au monde le 2 octobre son premier garçon qui fut baptisé le surlendemain par Mgr SAVY, cousin germain de Mme SIRE, qui était alors secrétaire de Mgr l'archevêque de Toulouse. On appela cet enfant Etienne, nom de son parrain, Hélène, nom de sa marraine et François, nom du saint que l'église honorait en ce jour. Il portait dans la famille le nom de « Sirounet ». Trois ans plus tard, madame SIRE mit au monde un second garçon qui fut appelé Jean, Anne, Marcel. Cet enfant né le 16 janvier 1817 fut baptisé le 19 par Mgr SAVY devenu alors Grand-Vicaire de Mgr l'Archevêque de Toulouse. Il porte dans la famille le nom de Marcel. Un troisième garçon fut mis au monde le 26 avril 1819, un mardi à 8 heures du matin, et fut baptisé le surlendemain 28 par M. Dominique MATHIEU, curé de St Sernin qui fut son parrain. On l'appela Dominique, Clément, Vital. Ce dernier nom est celui qu'il porte dans la famille.
18°) L'aîné des enfants étant tombé malade peu de temps après, languit cependant quelques temps et mourut le 20 septembre 1819. Nous verrons plus bas les excellentes qualités de cet enfant et la mort édifiante qu'il fit.
La grand-mère, Mme VALADIÉ (née Marie-Anne MATHIEU) qui aimait prodigieusement cet enfant lui survécut bien peu de temps. Elle mourut en effet le 18 juin 1820 à l'âge de 66 ans. Toute sa vie elle avait vécu saintement. Elle fit une mort on ne peut édifiante. C'était une femme d'un mérite rare, qui a laissé dans le coeur de tous ceux qui l'ont connue les souvenirs les plus précieux. Elle était intelligente, active, discrète, pleine de bon sens, aumônière, douée d'un très bon esprit, douée d'un très bon caractère et rompue à l'administration d'une maison, sans être bien instruite, elle faisait bien les travaux de la maison. Elle aimait prodigieusement sa fille qui méritait à tous égards l'affection de sa mère. Aussi la recommanda-t-elle en mourant à M. SIRE son mari de la manière la plus persuasive.
19°) Un an après la mort de sa mère, Mme SIRE mit au monde un quatrième garçon qu'on appela Sabin, François, Dominique né le 2 novembre 1821 à 2 heures du matin, il fut baptisé le 7 du même mois par M. LASMARTIN, curé de la paroisse de St Jory et grand ami de la famille SIRE qui le regretta vivement à son départ et qui entretint quelque temps avec lui une très affectueuse correspondance. Sa marraine Françoise DARDENNE (née VALADIÉ) était la cousine germaine de Mme SIRE. Ayant suivi son oncle Etienne VALADIÉ à St Jory, elle se maria avec François DARDENNE qui n'ayant point d'enfants, donna tous ses biens à deux des enfants de M. SIRE, savoir la moitié en nu propriété au jeune Sabin filleul de sa femme et l'autre moitié en nu propriété à son frère aîné vivant, M. Marcel. La jouissance fut laissée à Mme SIRE sa vie durant. François DARDENNE mourut peu de temps après cette donation, c'est-à-dire le 28 août 1824 à l'âge de 48 ans. Sa femme ne lui survécut que de 3 ans ; elle mourut le 8 octobre 1827.
20°) Au milieu des coups terribles qui frappaient la famille SIRE dans ses biens et dans ses membres, la confiance en Dieu dont le père et la mère faisaient une profession éclatante, fut pour toute la paroisse de St Jory un exemple tout à la fois bien touchant et bien peu imité. C'est en effet au milieu de toutes leurs épreuves que ces deux époux chrétiens mirent au monde trois nouveaux garçons dans l'espace de 4 ans et demi.
Le premier d'entre eux appelé Justin et qui avait pour parrain M. MATHIEU de Bouloc, naquit le 5 avril 1825 et fut baptisé le 7 par Mgr SAVY, alors Vicaire Général de Toulouse.
Le second, appelé Dominique, Marie, Henri, vint au monde le 12 mars 1827, dimanche à 5 Heures du matin, et fut baptisé le 16 par M. l'abbé Noël SAVY, vicaire de St Exupère à Toulouse, et qui représenta en même temps comme parrain Mgr SAVY, évêque nommé d'Aire, lequel se trouvant alors à Paris, ne put se rendre à St Jory pour y assurer ses fonctions de parrain.
Le troisième appelé Pierre, Charles, Paul, Noël, naquit le 21 décembre 1828 et fut baptisé le 25, jour de noël par M. JONQUIÈRES, curé de la paroisse de St Jory.
21°) Durant ces quatre années, la famille SIRE perdit ses deux membres les plus anciens. Etienne VALADIÉ, père de Mme SIRE mourut en effet le 6 septembre 1826 à l'âge de 86 ans après avoir reçu les sacrements dans les dispositions les plus chrétiennes et avoir béni ses trois petits-enfants les plus âgés, MM Marcel, Vital et Sabin. Il donna par testament tous ses biens à sa fille, en réservant un legs de mille en nu propriété pour le jeune Vital qu'il affectionnait beaucoup, et un autre legs semblable au quatrième de ses petits fils appelé Justin, MM Marcel et Sabin ayant déjà hérité des biens de sa nièce Françoise DARDENNE, et voulût dédommager par un legs ses autres petits fils.
Nous ferons connaître un peu plus au long la vie de ce vénérable patriarche en faisant la biographie de madame SIRE sa fille.
22°) Marguerite SIRE, tante de Jean-Pierre SIRE mourut deux ans après à l'âge de 83 ans, le 11 avril 1828. Nous avons dit plus haut (n° 2) quelle a été sa sainte vie, et sa sainte mort. Dans la vie du père Charles SIRE son petit neveu, on peut voir quelle a été l'influence de la consécration que Mme SIRE fit de cet enfant à la très Sainte Vierge, par l'intermédiaire de sa sainte tante au moment où elle le mit au monde.
23°) Les deux années qui s'écoulèrent après cette mort précieuse, furent les plus terribles pour
M. SIRE et sa courageuse compagne. C'est alors que la vue de l'avenir commença à les effrayer.
Se voyant à bout de ressources, accablé de dettes et ne trouvant plus personne qui voulut lui faire crédit, M. SIRE ne savait plus que devenir. De toute sa fortune, il ne lui restait plus qu'une dizaine de mille francs placés sur sa métairie de St Jory et les 4 arpents de l'Hers qui se trouvaient auprès de la cabane. Or, le chiffre des dettes qu'il avait encore dépassait ou égalait au moins cette somme. Que faire dans cette dure extrémité, avec une famille de 6 enfants dont le plus âgé n'avait que 11 ans ?
24°) Pleine de confiance en Dieu, Mme SIRE va trouver son oncle MATHIEU, curé de St Sernin, qui avait pour elle une affection toute particulière, et, avec l'accent d'une inexprimable douleur, elle lui dit en se présentant devant lui : « Mon oncle, je ne sais plus que devenir. Vous savez dans quel état sont nos affaires. Monsieur le curé de St Jory s'était chargé de donner des leçons de latin à mes deux aines ; et voilà qu'après avoir commencé et continué pendant deux ans, il a cessé tout à coup, disant que c'était trop assujettissant pour lui. C'est d'autant plus fâcheux que ces enfants sont très intelligents et ont de grandes dispositions pour les études. Je voudrais bien les mettre en pension à Toulouse ; Mais je ne le puis pas absolument, mes ressources ne me le permettent pas. Les appliquer aux travaux des champs ou leur donner un métier, c'est bien pénible, dur et bien triste pour moi. Mon oncle, venez à mon secours, vous ne vous repentirez pas de votre générosité. »
« Je veux bien, ma pauvre Valadiérette, me charger de mon filleul, mais je ne puis pas me charger des deux. Impose toi des sacrifices pour l'aîné, je ferai tout pour Vital. Du reste, amènes les moi tous les deux, je les verrai et nous prendrons une décision définitive. »
Les enfants lui furent présentés quelques jours plus tard. Il les trouva si intéressants que son coeur ne put pas résister davantage, il les fit placer chez M. LINAS, trésorier de l'église de St Sernin dont il connaissait la piété et qui avait une école d'enfants internes derrière le chevet de l'église, rue des 13 vents, n° 11. Dans cette grande maison, qui n'est séparée du collège actuel des jésuites que par la rue St Bernard, M. LINAS les prit comme pensionnaires au prix de 400 francs par tête, et se chargea de leur faire donner des leçons par un abbé du grand séminaire. Il jeta les yeux sur M. l'abbé CAYROL, aujourd'hui curé de Tournefeuille, qui, étant tenu au grand séminaire, prenait la facilité de se rendre deux fois par jour chez M. LINAS pour faire la classe aux Messieurs SIRE.
Ces Messieurs furent d'autant mieux soignés que M. LINAS n'avait pas d'enfants, et que ceux-ci étaient les neveux de M. le curé, pour qui tout le monde dans la paroisse professait une estime et une vénération profonde. M. SIRE se chargea de l'entretien, M. MATHIEU de la pension.
25°) Ces enfants bénis firent dans cette pension des progrès incroyables. L'aîné, M. Marcel, qui était très pieux, se prépara à faire sa première communion et 4 mois plus tard, il la fit en effet avec les enfants de la paroisse le 14 juin 1824, jour de la Sainte Trinité. Il fut confirmé le lendemain dans la chapelle du grand séminaire.
26°) Les éloges données par M. LINAS aux deux jeunes frères firent sur le coeur de leur vieil oncle une impression si forte que leur frère puisné, qui n'avait alors que 7 ans, étant venu voir ses frères, et ne voulant pas les quitter, il consentit encore à le garder à Toulouse et à payer pour lui une troisième pension de 400 francs.
Hélas, toutes ces libéralités qui avaient un instant réjoui le coeur de M. SIRE, devaient bientôt
cesser, M. MATHIEU mourut en effet peu de temps après, le 9 février 1830. Nous verrons dans la partie suivante ce que devinrent les enfants de M. SIRE, par suite de cette mort.
27°) Avant de la commencer, recueillons nous un moment et jetons un coup d'oeil rétrospectif sur les 17 ans qui se sont écoulés depuis le mariage de M. SIRE en 1813 jusqu'à l'année 1830 qui fut pour lui une époque de résurrection et de vie.
M. et Mme SIRE avaient entre leurs mains tous les éléments du bonheur. Ils étaient jeunes (23 ans et demi et 16 ans et demi), intelligents, actifs, doués d'un bon caractère, jouissant d'une bonne santé et d'une belle fortune, appartenant par leur naissance à toutes les familles honorables des environs, ils avaient auprès d'eux des parents excellents, et les enfants que le bon Dieu leur donnait presque tous les deux ans, avaient les qualités les plus aimables. Dans le pays, ils jouissaient tous les deux d'une estime et d'une confiance bien méritée. M. SIRE, très peu de temps après son mariage, devint membre du conseil municipal en 1814, et n'a cessé de l'être que pendant les jours orageux de la révolution de 1848. Admis au nombre des fabriciens de St Jory, à peine âgé de 26 ans, il a fourni dans ces deux assemblées civile et religieuse des conseils très surs et sages. C'est à un de ces conseils intelligents et fermes que la paroisse de St Jory doit les magnifiques restaurations qui font de son église un des plus beaux monuments de la piété chrétienne dans le diocèse de Toulouse. Il est devenu plus tard membre du bureau de Bienfaisance et il y est encore depuis l'origine de ce bureau. Admis avec bonheur dans les familles les plus honorables du pays, il n'a jamais cessé par sa douceur, sa . gaieté, sa franchise et son tact exquis de contribuer et pour une très légère part à l'agrément et au charme de toutes les réunions.
28°) Et bien au milieu de tous ces éléments de bonheur M. SIRE a été très malheureux pendant la plus grande partie de cette période de sa vie. La perte de toute sa fortune personnelle qui s'élevait à une quarantaine de mille francs, et cette perte effectuée avec des circonstances plus malheureuses les unes que les autres, voila le vrai et l'unique motif de ces malheurs. Obligé de vendre, et à des prix excessivement modiques le magnifique patrimoine que son père lui avait laissé. Obligé en attendant d'emprunter des sommes considérables pour payer les intérêts, poursuivi très souvent par des créanciers impitoyables qui ne lui laissaient aucun instant de repos, blâmé au dehors à hauteur de son infortune, affligé au dedans par les pertes les plus sensibles (mort de sa mère, de sa belle-mère, de son fils aîné, de son beau-père, de sa tante, de son cousin et de sa cousine DARDENNE). Obligé pour le présent de diminuer le train de sa maison et ne voyant dans l'avenir aucun moyen de se relever, aucun rayon d'espérance, il passa les dernières années de cette 2e période de sa vie dans le chagrin et l'angoisse les plus indicibles.
29°) Une seule chose le consolait, l'estime, l'affection et le dévouement de sa jeune compagne qui le soutenait, l'encourageait, le réjouissant même par sa gaieté, sa douceur, sa bonté, sa piété surtout et sa confiance en Dieu.
Il trouvait aussi dans les secours de la religion la force et le courage qui lui étaient nécessaires pour se conduire en digne époux et en digne père, tourné sans cesse vers les pensées de la foi par sa fervente et pieuse femme, il finit par ne plus compter sur les secours humains. Reconnaissant dans toutes ces épreuves la main paternelle de Dieu qui châtie ceux qu'il aime, il mit en lui toute sa confiance. Il le pria alors avec ferveur, et ce bon Maître, content de sa soumission et de ses prières, les exauça enfin, grâce à la douce et à la puissante intercession de Marie. C'est ce qui nous reste à raconter.
Troisième Partie.
Depuis le Bail à ferme en 1830,
Jusqu'à la fin de ce bail.

30°) Après la mort de son oncle MATHIEU, M. SIRE ne voyant pas la possibilité d'entretenir ses enfants dans la pension de M. LINAS, et ne sachant d'ailleurs comment il pourrait donner aux plus jeunes une position convenable s'il demeurait à St Jory, eut la pensée de vendre toutes les propriétés de sa femme et de se fixer avec toute sa famille dans la ville de Toulouse. Il se disait à lui-même : « Ma femme pourra continuer à Toulouse le commerce de détail que nous avons à St Jory, avec les revenus de ce commerce, elle entretiendra la famille, et de mon côté, en reprenant le métier, alors lucratif, de courtier, que j'avais avant de me marier, je gagnerai de quoi augmenter quelque peu notre fortune, les dettes étant déjà éteintes à l'aide d'une partie des fonds réalisés par la vente du domaine de St Jory. Pendant ce temps-là, nos enfants recevront, d'abord chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, et puis au petit séminaire, en qualité d'externe, une éducation convenable, qui ne nous coûtera pas grand-chose, nous finirons par nous tirer d'embarras, et même à améliorer notre position. »
Mme SIRE, qui n'était pas aussi rassurée sur le succès de cette nouvelle entreprise, et qui craignait peut-être et à bon droit de perdre tous ses biens en les vendant, ne goûtait guère ce projet, et sans faire une opposition, en différait de jour en jour la réalisation.
Dans la perplexité où se trouvait M. SIRE, il se transporta à Toulouse pour prendre des informations et préparer ainsi la translation de sa famille.
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Magdeleine Pétronille SIRE née VALADIÉ.
Première Partie
Depuis sa naissance
Jusqu'au bail à ferme en 1830.

Parents de Mme SIRE.
1°) Le père de Magdeleine SIRE était Etienne VALADIÉ, honnête et pauvre paysan du village de Poujoulou, paroisse de Cazes et commune de Puy-l’évêque, dans le diocèse de Cahors, sur les confins du diocèse d'Agen. (Sa mère a été trouvée intacte dans son tombeau 10 ans après sa mort.) Il avait deux frères puisnés, Pierre, mort à Puy-l’évêque sans enfants, et Jean qui a eu 7 enfants : 3 garçons, Baptiste, Etienne et Jean, et 4 filles,
Françoise, épouse DARDENNE, morte à St Jory sans enfants le 8 octobre 1827.
Antoinette, épouse LALA, morte sans enfants.
Marguerite, épouse ATHALIE, morte sans enfants,
Catherine, épouse MAUMILLE, qui a eu 4 fils vivants et mariés.
Etienne et Jean moururent sans enfants, l'un en se noyant dans le Lot, près de Puy-l’évêque, et l'autre au service.
Baptiste et Catherine sont donc les seuls qui aient eu des enfants.
1° Baptiste VALADIÉ a eu de Françoise IMBERTIE sa femme, trois enfants, savoir :
Antoinette, épouse COSTES-LAMBERT, pierrier. (elle 45 ans environ, lui 52 ans)
Pierre, mort au service, peu de temps après son départ.
Antoinette, épouse FABRE, charron, (elle 30 ans environ, lui 32 ans).
Enfants d'Antoinette LAMBERT : 12 dont 7 vivants, 5 filles et 2 garçons. Tous bien.
Filles :
Maria, 24 ans, épouse LAFFON.
Emilie, 22 ans, à Agen,
Eugénie, 15 ans,
Odile, 10 ans,
Louise, 4 ans.
Garçons,
Charles, 12 ans, étudiant le latin.
Marcellin, 6 ans.
Enfants d'Antoinette FABRE : une fille âgée de 3 ans, un garçon âgé de 15 mois. Ces enfants et leurs parents sont magnifiques.
2° Catherine MAUMILLE a eu 4 enfants : Jean, maçon ; Pierre, tisserand ; Jean-Louis, charpentier à Martignac. Tous les trois mariés, et Françoise, sans profession.
2°) La mère de Madeleine VALADIÉ était Marie-Anne MATHIEU, 13e enfant sur 14 de Jean-Bertrand MATHIEU, propriétaire à Toulouse, et de Marie-Anne MOUCHET, tous deux chrétiens remarquables par leur foi et leur amour pour Dieu. Marie-Anne MATHIEU avait pour frères Jean et Dominique MATHIEU, tous les deux curés de St Sernin, l'un après l'autre, pour neveu Mgr SAVY, évêque d'Aire, et pour cousin second M. DOUARRE, curé de St Exupère.
Elle demeura à Toulouse chez son frère aîné et l'accompagna ensuite à Bouloc, où, n'ayant plus à se mêler du commerce et des affaires, elle s'ennuya au point qu'elle consentit à se marier à l'âge de plus de 40 ans. Nous avons déjà parlé d'elle au §18.
3°) Etienne VALADIÉ et Marie Anne MATHIEU se marièrent en 1796. L'année suivante, ils mettaient au monde le 10 juin 1797 dans la maison de Mme SAVY, mère de l’évêque, une fille qu'ils firent baptiser le lendemain. Ils l'appelèrent Pétronille Magdeleine, du nom de son parrain et de sa marraine SAVY, soeur de sa mère.
Cette enfant élevée sous les yeux de sa pieuse et digne mère, suça la piété sa vie de lait. A l'âge de 6 ans, elle reçut des mains de Mgr PREVOT à St Jory le sacrement de confirmation. Aussitôt après, ses parents dont elle était l'idole la placèrent à Toulouse dans un pensionnat de demoiselles de la rue Royale, paroisse St Sernin, que son oncle maternel avait désigné à sa mère, comme digne à tous égards d'avoir sa confiance. Mme Mathilde, qui le dirigeait, prit un soin tout particulier de la jeune Magdeleine, qui fit sous sa direction des progrès rapides dans la lecture et l'écriture, et le catéchisme, pendant les trois ans qu'elle y demeura, de 6 ans à 9 ans.
La mère et le père ne pouvant demeurer plus longtemps privés de leur enfant, la placèrent alors chez M. BERTRAND (dit le Babillard) à Castelnau d'Estrétefonds, afin que cet habile instituteur de la jeunesse, put la préparer plus prochainement à sa première communion. Pendant l'année qu'elle fréquenta cette école, la jeune Magdeleine partait tous les lundi de St Jory et ne rentrait chez elle que le samedi pour passer le dimanche. Ses progrès furent tellement rapides qu'elle dépassait déjà les enfants qui avaient deux ou trois ans de plus qu'elle. Aussi elle n'avait encore que 10 ans qu'on la jugea suffisamment préparée pour sa 1re communion. Son intelligence précoce, les soins dont elle avait été entourée et la pureté de son coeur lui obtinrent cette inestimable faveur le 18 octobre 1807.
Après la 1re communion qu'elle fit avec une pureté et une ferveur toute angélique, Magdeleine passa plusieurs mois au sein de sa famille, faisant les délices de son vieux père et de sa vieille mère, par un caractère toujours enjoué, un coeur plein de tendresse et une intelligence au dessus de son âge.
Quand le printemps de 1808 arriva, Dieu permit que ses parents, qui voulaient lui donner une éducation proportionnée à sa fortune, à la position de ses oncles paternels et aux traditions de sa famille maternelle, l'envoyèrent pendant à Vaquiers chez le même M. BERTRAND, lequel, en se remariant avec Mme Pétronille GAZAGNES, veuve de SIRE l'aîné, de Castelnau, se transporta avec sa femme chez sa belle-mère à Vaquiers pour y continuer le commerce d'épicerie qu'on faisait de temps immémoriaux dans la maison située au beau milieu du village.
C'est là que Magdeleine fit une connaissance plus intime avec Mme SIRE devenue Mme BERTRAND, et avec son fils aîné Jean-Pierre SIRE, qui avait alors 18 ans. Le caractère de la jeune VALADIÉ plut tellement à cette dame qu'elle conçut la pensée d'y unir son fils par les liens du mariage. Mme GAZAGNES sa mère aimait encore plus sa petite fille, et dans ses libéralités, elle donnait toujours la préférence à la jeune VALADIÉ sur sa propre petite fille Mlle SIRE Hélène, qui devait devenir sa belle soeur.
M. VALADIÉ Etienne, en allant voir sa fille à VAQUIERS, fit une connaissance spéciale avec la famille GAZAGNES, et par cette reconnaissance réciproque, Dieu prépara les voies d'un mariage qui devait donner à l'Eglise six prêtres et un saint à miracles.
Un an et demi plus tard, on l'envoya à nouveau à Toulouse pour compléter son éducation. Elle y demeura chez Mme LAMBIAU, née des PRALANUS, jusqu'à sa 14e année, c'est à dire jusqu'en 1814.
[inachevé]

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